23.10.07

Plus capable

Nouvelle chronique, nouveau débat...

Ce matin, je lisais Foglia, comme tous les matins où je peux d’ailleurs.
Et là, je pense à Laurence qui me rappelle que je n’ai pas fait ma chronique. Oups oublié, que voulez-vous.
Foglia, dans toute sa grande splendeur littéraire de Maudit Français assumé (mais non je l’insulte pas, je me traite moi-même de MF, pensez donc que je ne peux m’insulter moi-même), nous dresse la liste des choses au Québec dont il n’est « pu capa-beu ». De quoi ne suis-je donc plus capable moi aussi après un an?
Allons, faut pas se leurrer, l’immigration c’est comme le mariage, passé la lune de miel il reste la vie quotidienne. Et cette vie quotidienne est remplie de bonheurs et de petites irritations.
Je vous rassure ma relation avec le Québec est plus remplie de bonheur que d’irritations, car comme en amour, pourquoi resterais-je en couple avec dans le cas contraire?
Mais il existe des petits irritants qu’il faut, pour les accepter et les intégrer, identifier.
Alors, quels sont-ils?

Je ne suis et n’aies jamais été capable de supporter le politiquement correct qui empêche certains individus de vider leur tripes au bon moment. Fuck off l’attitude « à-plat-ventriste », assumez donc vos opinions et criez-les bon sang, une fois pour toute, ça vous fera du bien. Non c’est vrai. De un, ça évite les ulcères, de deux ça donne matière au débat.
Certains diront que la commission Bouchard-Taylor est justement faite pour ça quant aux opinions vis-à-vis des immigrants et moi je m’abstiendrais de dire ce que j’en pense ouvertement. Je dirais juste que comme à chaque fois on fait une commission qui coûte une fortune, dure des plombes et conclura des choses qu’on savait déjà. Mais les prises de décisions elles, elles se feront attendre. Parfois on aura de timides tentatives battues en brèche par les journaleux (oui –eux pas –iste , un –iste descend en droit ligne d’un –isme, soit un concept. Ceux dont je parle n’ont d’autre concept que celui de blablater sans fondement – oui comme moi tout à fait, mais je suis chroniqueuse pas chroniquiste lol) qui seront relayés par des politicards et des intellos en manque d’inspiration.

Tiens puis en passant je suis plus capable des journaleux. Mais jetez pas tout de suite les feuilles de choux, ça me sert pour protéger le bureau quand je peins.

Je suis plus capable non plus de l’expression « à la française ». Fèves coupées à la française, porte-fenêtre à la française, vanille française… Laissez donc la France où elle est, à 6000 km, pour sa grande partie. Puis vos fèves, ce sont nos haricots. Et ils n’ont rien de français quand on les coupe dans le long!
Ah pis fèves et piments, zucchinis et mûres noires non plus je supporte plus. Par contre, le choux fleur jaune ça m’éclate, ça j’aime!

Je suis plus capable non plus du métro. Mais bon je n’ai jamais été capable d’aucun métro. Je ne suis pas un rat ou une taupe moi, vivre sous terre, c’est pas mon truc, désolée. Mais regardez donc ce tube infernal et ses boîtes à roulettes. Du bruit, de la chaleur, de la saleté, à un prix exorbitant.
Mais ça va être modernisé ma p’tite dame! Ouais pour mettre des cartes à puces… Mais ta boîte de conserve là, elle fournira toujours pas le café en prime, si? Ouais, c’est ce que je disais, je suis pas capable…

Je suis pas capable non plus de ce foutu sel qu’ils mettent en hiver dans les rues de Montréal. Ça bousille mes chaussures et pis ça fait fondre la neige qui ressemble alors à un amas de bouillasse infâme. Eh oh, la neige c’est beau quand c’est blanc et duveteux, pas quand c’est une chose molasse et brune!

Plus capable d’entendre la fille de mes voisins, moins de 18 mois, qui hurle et cogne contre les murs tous les soirs passés 18h. Bourrez-la de ritalin ou arrêtez de la faire chier, mais faites la taire quelqu’un je vais finir par appeler la DPJ tiens. C’est normal une gamine de cet âge qui hurle de même chaque soir, alors qu’on entend comme des coups sur les murs? M’inquiète moi parfois, entre deux séries de « Tab**** de câline, vont la faire taire une bonne fois pour toutes oui? ». Ben oui plus capable je vous dis.
Ah pis puisque je suis chez moi, plus capable d’enjamber les livraisons de l’épicerie du proprio qui sont dans mon hall tous les matins. Je pense que en contrepartie je vais lui refourguer la garde de mes paniers bio tiens! Et lui chourer deux bägels au passage aussi.

Plus capable d’entendre mes amis de France me dire que j’ai pris l’accent, mais plus capable d’entendre les québécois faire l’accent français avec la bouche en cul de poule. Quand comprendrez-vous que non seulement vous avez l’air c*n mais qu’en plus ça sonne à peu près aussi réaliste que moi si je vous imite? Ou tiens que quand Laurent Gerra fait Céline. Vous n’êtes pas capables de l’endurer? Moi non plus mais j’endure pas plus votre imitations les chéris.

Plus de capable de voir les prix des livres neufs! Et après on se plaindra qu’on ne donne pas assez le goût de la lecture aux enfants? Hey ça coûte plus cher de s’acheter des livres que de prendre un forfait au câble! Est-ce que ça vous paraît logique vous?
Puis dans la catégorie soyez cohérents avec vous-mêmes, plus capables d’entendre baver sur le vote voilé quand on peut voter avec deux pièces d’identité sans photo! C’est quoi la différence entre voter voilé avec une pièce d’identité avec photo et pas voilé avec 2 pièces d’identité sans photo? Ouais la laïcité, je suis pour, mais la cohérence aussi. En parlant de laïcité, le baptistère, c’est pas une pièce d’identité? C’est pas religieux non plus? Voyez, co-hé-ren-ce! Suis pour la laïcité moi, d’ailleurs je voterai pas avec mon baptistère! Et je présente une pièce d’identité avec photo.

Pfiou, c’est vrai que chiâler ça fait du bien hein. Mon gène MF s’est réveillé, tout ragaillardi tiens.

Mais grands dieux, pourquoi me suis-je embarquée dans cette galère alors?
Parce que le Québec, c’est un enfant encore. Un enfant qui grandit, qui se forme. Un ado en fait. Un ado qui subit les influences de ses rencontres, qui ne demande encore qu’à se définir pour devenir mature et indépendant. Comme un adolescent, le Québec a déjà ses traits distincts, son caractère propre et j’aime ces traits-là.
Dynamisme, envie de réussir, volonté d’aller de l’avant, ouverture.
Mais comme un ado, le Québec regarde avec nostalgie certaines choses de son passé qu’il doit laisser aller pour devenir adulte, définir son projet d’avenir, se faire reconnaître en tant que grand maintenant.
Et parce que c’est un pays en devenir, il y a encore tellement de choses à y faire.
Un véritable laboratoire pour les sciences sociales. Je ne sais pas si on y essayera tout, mais le Québec, avec tous les défauts qu’on pourrait lui trouver, c’est quand même la place où la société telle qu’on la connaît et qu’on l’envisage est actuellement la plus discutée, remise en question, de façon collective. Pas un jour sans qu’on ne discute d’un pan ou d’un autre pour la former notre société. Pas un jour sans qu’on ne soit interpellé par les télescopages entre l’héritage du passé (la common law et le droit civil, la confédération et la nation distincte, le français et l’anglais) et les volontés d’avenir (les immigrants et leurs apports, l’indépendance et son report).
Si si la démocratie aussi on l’a remise en question, y a eu un roi il y a quelques années qui s’était autoproclamé roi de son coin, me souviens plus lequel. (Comment ça je fais preuve de mauvaise foi? Tous les exemples sont bons, c’est mon espace, je fais ce que je veux… Oups mon gène est encore actif)
Et comme je ne suis pas capable de vivre un chemin tout tracé, le Québec ne peut être que le refuge idéal à mes goûts déraisonnables d’accommoder ma vie et mes questionnements intellectuels de maître ès communication culturelle…

Il y a donc bien une chose dont je suis encore capable ici, c’est d’y vivre, tout simplement, et je l’espère, pour encore très longtemps.

Et vous, de quoi n'êtes vous plus capable?